Une lourde amende pour les séries sénégalaises qui tournent sans autorisation

Mbourtv – Société : Finie la recréation ! Les séries sénégalaises qui tournaient sans autorisation officielle s’exposent désormais à l’application des sanctions prévues. Après l’avoir annoncé dans un entretien, le directeur de la Cinématographie Hughes Diaz est passé à l’acte. «Il m’a été donné de constater que certains producteurs de téléfilms et de séries tournent sans autorisation de tournage. Ceci est une entrave aux dispositions règlementaires en vigueur», constate Hughes Diaz dans une note d’information adressée aux producteurs de l’audiovisuel créatif. Le Directeur de la Cinématographie avertit les contrevenants. «Dorénavant, il ne sera pas toléré un tournage de film sans autorisation», prévient-il avant d’informer que la Dci, en parfaite relation avec les autorités administratives et sécuritaires compétentes, se fera le devoir de faire respecter la loi. Dans les textes, des sanctions sont prévues en cas de non-respect des règles en la matière. Le contrevenant s’expose à «la confiscation des négatifs ou de la caméra pour un tournage non autorisé et une amende de 3 millions à 10 millions de francs Cfa pour le long métrage ou la série et un million à 5 millions pour le court métrage».

Ce débat est consécutif à celui soulevé par l’Ong Jamra quant à la mauvaise influence des séries télévisées sur le jeune public. Pour dénoncer cela, Mame Matar Guèye, vice-président de l’Ong, avait déposé une plainte auprès du Conseil de régulation de l’audiovisuel (Cnra). En réaction à cette polémique, le directeur de la Cinématographie avait révélé que certaines séries n’avaient pas d’autorisation de tournage avant de promettre de prendre des mesures. Aujourd’hui, c’est chose faite.

HUGUES DIAZ : ‘’LA PLUPART DES SÉRIES DÉCRIÉES NE DISPOSENT PAS D’UNE AUTORISATION DE TOURNAGE’’

La plupart des séries sénégalaises décriées pour leurs contenus jugés attentatoires aux bonnes mœurs ne disposent pas d’une autorisation de tournage, quitus permettant un contrôle a priori de ces productions avant leur sortie, a déclaré le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz.

‘’Toute série télévisuelle, tout film de fiction, documentaire, d’animation, et même les clips quelquefois, doivent faire l’objet d’une autorisation de tournage qu’il faut venir chercher à la direction de la cinématographie du ministère de la Culture et de la Communication’’, a-t-il précisé dans un entretien avec l’APS.

M. Diaz a fait observer que ‘’malheureusement, la plupart des séries télévisées aujourd’hui incriminées’’, dont certains contenus sont jugés attentatoires aux bonnes mœurs, n’ont pas fait une demande d’autorisation de tournage.

‘’La plupart n’ont pas d’autorisation de tournage, c’est confirmé, on peut le vérifier. Ce sont des séries qui s’exposent, elles sont en violation des règles établies, notamment la demande d’autorisation de tournage’’, soutient-il.

‘’Il y a une série comme ‘Infidèles’’’ dont les auteurs, ‘’dès qu’ils ont été attaqués, nous ont contactés pour une autorisation de tournage pour la prochaine saison’’.

‘’On a lu le scénario, mais il y a certains passages [contenant] des propos très osés, pour ne pas dire vulgaires, qu’il faut reprendre’’, a indiqué le directeur de la cinématographie.

Parfois, explique M. Diaz, ‘’on voit des passages et on leur dit : ‘Attention, cela porte à équivoque, il faut essayer d’améliorer avant toute autorisation de tournage’’’.

Pour lui, ‘’il faut maintenant sévir après avoir trop informé, trop sensibilisé, il faut passer à la phase du bâton pour que les mauvais élèves soient punis’’.

La direction de la cinématographie va dans cette optique travailler avec le ministère de l’Intérieur, parce que chaque autorisation de tournage dont elle décide est également soumise à l’attention de l’autorité de ce département ministériel.

Hugues Diaz annonce que ses services vont ‘’travailler d’arrache-pied pour traquer les séries qui n’auront pas d’autorisation de tournage’’.

‘’Il faudrait, pour un Etat qui veut protéger ses populations contre des dérives, qu’on soit un peu policier pour mettre un peu d’ordre dans les productions’’, a souligné M. Diaz.

Il dit suivre ‘’de très près cette polémique légitime’’ autour des séries télévisées sénégalaises dont les dernières sont pour la plupart très prisées au-delà des frontières du pays et d’Afrique.

Mais s’il arrive que des œuvres artistiques soient discutées et fassent l’objet de polémiques, les associations religieuses qui sont vent debout contre ces séries, les associations musulmanes notamment, ‘’ne doivent pas prendre en otage la création artistique, car elle ne sort pas ex nihilo (à partir de rien), il y a une écriture, une réalisation et un concept’’.

Hugues Diaz fait valoir que le public sénégalais se reconnait ‘’le plus souvent’’ dans ces productions audiovisuelles ‘’parce que ce sont des faits sociaux tirés des dérives comportementales, des fractures sociales’’.

‘’Mais quelquefois l’écriture et la technicité utilisées pour faire ces films appartiennent à de bons initiés, des gens formés, qui peuvent tourner en dérision les travers de la vie sociale’’, reconnaît le directeur de la cinématographie.

‘’L’œuvre artistique a toujours été une œuvre subversive, et elle évolue avec l’ère du temps’’, un constat qui doit amener les contempteurs de ces séries à ‘’ne pas aller dans une intransigeance, un formalisme, voire un extrémisme qui ne concède aucune liberté à celle de créer, qui est garantie par la Constitution, parce que faire de la culture, c’est faire œuvre de créativité’’, plaide Hugues Diaz.

Il relève plusieurs niveaux de responsabilité dans cette situation, concernant notamment l’autorisation de tournage, laquelle ‘’permet de contrôler pour voir s’il n’y a pas’’ de quoi porter atteinte à la sûreté de l’Etat et aux bonnes mœurs par exemple, ‘’parce que l’Etat a pour rôle de protéger les populations contre certaines dérives’’.

Le deuxième niveau de responsabilité est relatif aux visas d’exploitation que tous les films doivent avoir, selon le directeur de la cinématographie.

‘’Avant toute diffusion ou exploitation en public, un film doit avoir un visa d’exploitation délivré par la commission de contrôle et de classification des films. C’était à l’époque de la Société sénégalaise d’importation, de distribution et d’exploitation cinématographique, pour la projection dans les salles de cinéma. Cela permettait de contrôler le contenu des films pour identifier ceux qui sont destinés aux adultes, aux enfants ou aux adolescents’’, explique-t-il.

Hugues Diaz prône un retour de cette commission, vu le nombre important des nouvelles productions audiovisuelles.

‘’Ce n’est pas une censure qui ne dit son nom, c’est pour permettre d’orienter les éventuelles cibles ou les téléspectateurs qui devraient suivre un film’’, précise-t-il.

Selon lui, l’Etat a mis des garde-fous pour protéger l’ensemble des populations, mais avec l’évolution des choses dans ‘’ce monde interconnecté’’, si on interdit la diffusion de films à la télévision, le public va, selon lui, se rabattre sur les plateformes de diffusion.

Pour Hugues Diaz, ‘’il faut se réjouir aujourd’hui de l’avancée des séries sénégalaises qui ont bousculé des séries beaucoup plus pernicieuses venant de l’étranger’’. ‘’C’est un travail de longue haleine. Il faut que la culture participe à l’éducation de nos populations et à la conscientisation sur les dérives de nos sociétés.’’

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